Kenya Tay : “Je veux créer des images réalistes et fortes, qui peuvent résonner avec ceux qui les visionnent”
Kenya Tay est une jeune photographe dont les clichés présentent les gens et le monde d’un œil léger et apaisant, le tout sublimé par le grain particulier de la photographie argentique.
Comment ta passion est-elle née ?
Je suis la fille d’un documentariste et ma mère a toujours été passionnée par la photographie. Elle capture chaque moment de notre vie. Je peux dire qu’elle a eu une grande influence sur moi. Dès que j’ai pu avoir accès à un appareil photo, c’est-à-dire vers l’âge de 12 ans sur mon téléphone portable, je sortais et capturais tout et n’importe quoi.
J’ai aussi beaucoup voyagé dans ma vie. Je n’avais qu’environ 7 semaines quand mes parents m’ont emmenée aux Etats-Unis. J’ai visité énormément d’endroits et j’essaie à chaque fois d’en garder un objet en souvenir comme un timbre ou un ticket de cinéma. La photographie m’est apparue comme une version beaucoup plus efficace de préserver des souvenirs.
Où trouves-tu ton inspiration ?
Ça va paraître un peu classique mais je suis le plus inspirée quand je me sens mal. Ma souffrance et mes galères m’apportent de l’inspiration. Avant de me m’investir dans la photo, je dansais beaucoup et lorsque je bougeais, mes chorégraphies avaient toujours un côté dramatique. On pouvait ressentir de la douleur ou ma frustration dans mes mouvements.
Je suis également inspirée par les gens et les lieux qui m’entourent. J’observe mon entourage comme avec l’œil d’un documentariste.
Quelles sont tes influences ?
J’aime les artistes qui retranscrivent la réalité, avec une sorte de crudité comme Nan Goldin par exemple qui prenait en photo son entourage dans les années 70 et 80 si je ne me trompe pas.
Il y a un peintre que j’ai découvert à Chicago dont le nom est Kerry James Marshall. Il représente dans l’’ensemble de ses tableaux des personnes noires dans différentes scènes de la vie de tous les jours d’une façon si belle et captivante. Son expo était incroyable.
J’adore le travail de la photographe Carrie Mae Weems. Elle réalise de magnifiques autoportraits d’elle et de sa vie en tant que femme noire. La résilience est quelque chose que j’admire chez les artistes que j’aime.
L’auteure Bell Hooks qui est une auteure dont l’œuvre est d’analyser le fonctionnement de la société et de la culture. Je la trouve révolutionnaire dans ses idées et son point de vue. Quand je l’ai connue, j’ai eu l’impression d’avoir été privée de tant de connaissances qui auraient pu changer ma vie plus jeune.
Que veux-tu transmettre avec tes photos ?
Je suis toujours en train d’essayer de chercher ce que je veux transmettre. Je pense que certaines personnes peuvent être confuses quand elles visitent mon Instagram ou mon site web car il y a énormément de contenu avec différents styles de photographies. Je pense que c’est en partie dû au fait que pendant longtemps, j’ai essayé de recréer ce que d’autres ont fait, surtout pour essayer un maximum de styles de photographie. Mais ce avec quoi je suis le plus à l’aise est mon appareil argentique qu’un inconnu m’a offert la veille du jour de l’an 2018 à Miami.
Avec cette appareil j’ai pu voir que j’adore retranscrire le réel. Quand je suis rentrée à Paris, j’ai beaucoup shooté et j’avais des problèmes personnels en même temps. J’ai vu que mes photos laissaient paraître une certaine authenticité et je pense que c’est ce que je veux transmettre à travers mon art. Je veux créer des images réalistes et fortes, qui peuvent résonner avec ceux qui les visionnent. Je suis beaucoup moins à l’aise quand j’essaie des plus grosses productions avec certains artifices qui réduisent l’authenticité des photos. Donc j’essaie de faire des œuvres crues et vulnérables. Je suis moi-même une personne honnête et sensible, et je pense que beaucoup d’artistes aussi produisent des œuvres qui leur ressemblent.
Parmi tes photos, peux-tu nous présenter ta préférée et nous raconter son histoire ?
La photo que j’aime le plus est une photo de la fille de ma cousine. C’était en mars 2018. Un dimanche, nous étions dans la cour l’église en train d’attendre ma grand-mère et c’est la première fois que je voyais cette cousine. Elle était si petite et si mignonne dans sa robe blanche. Elle était toute timide et se cachait derrière ma tante. À un moment elle se baladait et elle a mis son doigt sur son nez et je me suis précipitée pour prendre ce moment précis. Comme c’était un appareil argentique, je ne savais pas du tout ce qu’allait donner la photo et j’étais assez nerveuse quand je suis retournée en France pour développer les photos car je savais que j’avais assistée à des moments magnifiques. Le fait que la photo ait été prise sur pellicule a aussi rendu l’expérience spéciale pour moi.
As-tu un projet en cours ?
Oui. Je retravaille depuis quelques mois sur un documentaire que j’ai fait en cours de documentaire dans mon école en 2015. C’est un documentaire sur le fait d’être métisse. J’y interview cinq personnes issues du métissage, dont leur parents. En le visionnant des années après, j’ai trouvé cela très intéressant de voir à quel point mon point de vue avait changé sur le sujet. Je revisite le documentaire avec des vidéos que ma mère a prise de moi petite et d’autre choses aussi mais je ne veux pas trop rentrer dans les détails.
Découvrez-en plus sur son travail sur son site et son compte Instagram
Propos recueillis par Tamika Couedor
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